Pratique de la Gestion Mentale en classe

Pratique de la Gestion Mentale en classe
Pratique de la Gestion Mentale en classe

Nous avons eu l’honneur en cette fin d’année 2021 de certifier 4 nouveaux formateurs en Gestion Mentale. Parmi eux, se trouve notre chère Caroline Lambermont, enseignante en Français dans le secondaire, certifiée en Profils Pédagogiques (2018) et en Gestion Mentale option enseignement et formatrice (2021).

A travers l’écriture de cet article elle nous expose son retour d’expérience et sa pratique des concepts en Gestion Mentale au sein du milieu scolaire en tant que professeure de français.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

La Gestion Mentale au cœur de la pédagogie en classe

Partant du postulat que tous les élèves d’une classe sont capables d’apprendre, d’évoquer, d’investir chacun des gestes de la gestion mentale mais que chaque élève est unique dans la combinaison de ses processus mentaux, intégrer la gestion mentale dans sa pratique pédagogique répond autant à un idéal humaniste qu’à un défi pédagogique. Défi irréalisable si on ne tient pas compte d’une réalité de terrain en constante évolution.

Certaines pratiques semblent aller de soi telle que travailler le geste de compréhension en classe, demander aux apprenants de mémoriser leur compréhension à la maison pour revenir en classe avec un petit balluchon plus fourni de sorte de pouvoir l’utiliser. Cela parait même relativement logique.

Pourtant, force est de constater qu’actuellement, le geste de mémorisation ne peut plus être exclusivement relégué dans ce que l’on appelle « le travail à domicile. » Il doit se travailler en classe pour qu’un fossé ne se crée pas entre ceux qui mémorisent à la maison et ceux qui ne le font pas. Non pas que les élèves ignorent totalement comment mémoriser (cela arrive plutôt rarement) mais c’est davantage le manque de temps après l’école qui pose problème : entre les nombreuses heures d’activités extra-scolaires, de trajets jusque la maison et une organisation familiale parfois complexe, le temps pour se poser calmement afin d’évoquer ses cours, sa journée d’école passée et future devient rare. Et sans évocation, pas de mémorisation possible.

C’est face à ce constat dont l’ampleur ne cesse de croitre que la pratique pédagogique de l’enseignant au sein de sa classe doit évoluer en tenant compte des réalités de terrain : période de 50 minutes de cours, matériel parfois désuet, programme officiel à respecter, groupes classes de plus en plus hétérogènes incluant des besoins spécifiques de plus en plus divers et nombreux.

La base : la perception dissociée et multi sensorielle

Accompagner les élèves dans un apprentissage par une perception dissociée et multi sensorielle est devenu selon mon expérience un incontournable : faire entendre sans faire voir, faire voir sans faire entendre, quel défi pour un enseignant mais quel bénéfice pour les élèves ! Calme garanti dans la classe… pour autant que les consignes soient claires et rassurantes car pour certains, entendre sans voir sera problématique et pour d’autres, voir sans entendre le sera tout autant. En précisant que la vision sera suivie de l’écoute ou l’écoute sera suivie de la vision, les esprits s’apaisent.

Concrètement, en secondaire, en Français, vient un temps pour voir (ou revoir) la forme passive d’une phrase. On peut écrire puis dire une phrase active et demander aux apprenants de se représenter la situation en tête. Ensuite, on écrit puis dit la même phrase dans sa forme passive avec la même consigne. Constat : la phrase exprime la même situation mais est formulée différemment. Un dessin peut appuyer ce constat. « L’âne tire la charrette » ou « La charrette est tirée par l’âne » au final, le film produit en évocation par ces deux phrases est identique. Il permet de comprendre que le temps de conjugaison est le même (indicatif présent et indicatif présent passif) là où la richesse de l’évocation permettra également de zoomer tantôt sur la charrette tantôt sur l’âne pour comprendre la spécificité de la voix passive. Entendre la phrase, voir la phrase, faire un dessin de la situation,… la stimulation de ces différentes entrées perceptives est nécessaire pour toucher un maximum d’élèves, idéalement tous !

A ce moment de l’apprentissage, un autre choix est à opérer : une perception globale ou successive ? J’opte le plus souvent pour les deux mais en contentant toujours partiellement le groupe vu qu’une vision en globalité d’emblée va effrayer ceux qui attendent une vision successive et inversement, une vision successive consumera rapidement l’attention de ceux qui ont besoin de savoir où on va, globalement, d’entrée de jeux. Nous pouvons néanmoins mettre en place des moyens qui combineront les deux approches, de sorte de contenter le plus grand nombre de fonctionnements mentaux.

Pratiquement, en secondaire, en Français, un moment pour globaliser l’ensemble des temps de conjugaison est souvent utile. On peut, par exemple, montrer le Power Point d’un schéma centré vide qui se complète au fur et à mesure de la révision. Cela permet de contenter ceux qui ont besoin du tout sans léser ceux qui ont besoin d’en découvrir le contenu au fur et à mesure.

En pédagogie, face à une classe, plus que jamais aujourd’hui, « choisir, c’est renoncer ». Le tout est d’être conscient des élèves que nous risquons de perdre pour mieux pouvoir les récupérer d’une autre façon ensuite. L’expérience me conforte dans l’idée qu’une perception multi sensorielle variée est essentielle pour embarquer chacun de la classe dans le cheminement de l’apprentissage.

L’accompagnement du geste de compréhension

L’apprentissage découvert, il nous faut à présent le conforter, le vérifier, le tester en le confrontant à d’autres cas limites ou d’exceptions. Composants et opposants doivent s’y retrouver. Et même si l’enseignant oublie l’un d’eux, il se fera vite entendre cet élève qui trouve la faille, le cas litigieux qui ne rentre pas dans le cadre ou cet élève tout heureux d’avoir trouvé une ressemblance ou un point commun avec un autre concept vu.

Les programmes officiels d’enseignement du Français diminuent aujourd’hui l’étude rigoureuse et systématique de notre langue. Cela ne contente bien entendu pas nos petits opposants qui ont besoin de tester les règles jusqu’à leurs limites ou qui cherchent à installer leur compréhension par ensembles d’exclusions mais cela ne comble pas plus nos nombreux petits composants qui ont besoin de rassembler, de faire des liens de similitudes, des ensembles d’inclusions, d’unions, d’intersections, de fusions avec tous les concepts de la langue française.

Ce temps d’échange sur la langue, son fonctionnement, ses règles générales et ses exceptions est essentiel et riche dans un groupe classe. La compréhension s’active, se construit peu à peu dans une confrontation intérieure, nourrie des interventions de tous.

L’accompagnement du geste de mémorisation

Là où l’enseignant pourrait alors concevoir son rôle comme abouti : « Ils ont compris ! », la réalité nous rattrape bien vite car si nous pensons que c’est compris, il faudra encore voir si ça l’est pour chacun de la classe et pas uniquement par ceux qui ont besoin de manifester leur compréhension. Compris en classe à la fin des 50 minutes de cours, juste avant le cours de mathématiques, d’éducation physique ou le diner, ça ne veut pas non plus dire que cela sera toujours compris le lendemain quand nous nous verrons. Ce qui a été compris doit être mémorisé sans tarder, le jour même bien entendu, selon la conception idéaliste de l’enseignant du moins.

Quotidiennement, tout nous indique que nous ne pouvons plus nous reposer sur cet idéal ou cette conception traditionnelle de l’enseignement. Mon idéal d’enseignante est d’amener chacun de mes élèves à révéler son plein potentiel. Si la mémorisation n’est plus assurée à domicile, il est devenu nécessaire de l’inclure dans mon heure de 50 minutes.

Une fois les concepts vus, la théorie établie et comprise, je prévois donc ce moment de mémorisation. Concrètement, si tout ce que nous avons construit pendant l’heure se retrouve projeté sous la forme d’une globalité d’accueil finalement remplie, un temps déterminé est laissé avec la perception visuelle de ce qui est à mémoriser et la consigne que tout devra être dans la tête une fois le visuel disparu. Ce moment de mémorisation de la synthèse s’accompagne, se guide, s’entraine surtout ! Et sous la forme d’un défi personnel, c’est encore plus bénéfique. Quand le visuel est ôté, c’est l’occasion d’un dialogue pédagogique : « Tiens, qui revoit l’image ? Qui réentend mes paroles ou ses paroles ? Qui revoit le tout ? Qui reconstruit le tout étape par étape ? Qui s’y prend autrement ? » Cet échange donne des idées à ceux qui éprouvent des difficultés à évoquer, rassure ceux qui découvrent d’autres fonctionnant « comme eux », suscite l’envie à certains de tester d’autres processus évocatifs possibles,… Enfin, question importante : « Qui a besoin de revoir l’image ? » Il y a toujours quelques doigts qui se lèvent et ce temps est toujours partagé dans le silence par tous : les uns vont chercher ce qui leur manque sur le visuel, d’autres vérifient qu’ils ont tout, d’autres encore se projettent dans ce qu’ils vont en faire,… Le canal visuel contenté, il nous reste à rejoindre le canal auditif : « Qui a besoin de s’entendre réexpliquer l’un ou autre éléments ? »

Ensuite, si le temps le permet (c’est rare), les élèves sont mis en réinvestissement de ce qui a été vu, de façon personnelle et sans aucun support théorique autre que leurs évocations fraichement installées.

Alors, il devient possible de leur demander de vérifier leur mémorisation à domicile d’ici le cours suivant et de la retravailler au besoin, comme nous l’avons fait ensemble en classe. On peut aussi leur demander de réaliser des exercices qui leur permettront d’utiliser leurs objets mémorisés. L’objet mémorisé devra nécessairement être systématiquement réactivé en début de cours suivant.

Encourager l’autonomie et la confiance en soi

De cette façon, les apprenants sont accompagnés vers plus d’autonomie et sont généralement beaucoup plus acteurs et motivés car nourris du sentiment d’être capables d’évoquer, de comprendre et mémoriser à la maison, en conciliant ce que l’école leur demande et leur vie trépidante, parfois fort chargée et compliquée en dehors de l’école.

 

 

Caroline L.

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