Analyse et synthèse sont deux activités mentales différentes, indissociables et complémentaires de la compréhension. Les pratiques pédagogiques font, de fait, traditionnellement plus de place à l’analyse qu’à la synthèse, celle-ci relèverait de la seule initiative de l’élève. Les « bons élèves » s’y adonnent spontanément, sans en être toujours conscients, et c’est bien une des raisons de leur réussite. Tous les autres peuvent y avoir accès pour peu qu’ils en soient avertis, y soient accompagnés et entraînés.
Analyse
Analyser : décortiquer un tout en ses éléments constituants.
Analyser un énoncé, un texte, une image, une situation problème,…
(Larousse)
Synthèse
Synthétiser : associer, combiner, réunir (Petit Robert)
« On admet généralement que la synthèse reconstitue ce que l’analyse avait séparé et qu’à ce titre elle vérifie l’analyse », Cl Bernard
Lorsque dans leur ouvrage : « Introduction à la didactique des Sciences et des Mathématiques » Dupin et Joshua font le parallèle entre « Temps didactique et temps d’apprentissage », ils mettent en évidence l’importance d’intégrer dans le temps didactique des activités susceptibles d’amener l’élève à réorganiser ses connaissances.
Temps didactique et temps d’apprentissage
Le temps didactique
C’est le temps décidé, organisé par l’enseignant. Il l’impose de fait à tous ses élèves qui vivent sensiblement les mêmes activités en même temps c’est un temps linéaire, celui du professeur.
Le temps d’apprentissage
C’est le temps de l’élève. Il est individuel, personnel : c’est l’élève qui apprend ! Ce temps n’est pas linéaire : apprendre ce n’est pas ajouter des connaissances nouvelles sur des connaissances anciennes.
Apprendre, c’est réorganiser sans cesse ce que l’on sait déjà sous l’éclairage de nouveaux apports.
Réorganiser ses connaissances en synthèse consiste à remettre en présence simultanée des connaissances inévitablement reçues dans la successivité du temps didactique. C’est une condition d’accès à l’expertise. L’expert qu’est l’enseignant, dans la matière qu’il enseigne, possède mentalement à chaque instant didactique la globalité du sujet qu’il traite : il a en tête à la fois tout ce qu’il a déjà traité avec ses élèves, tout ce qu’il a l’intention d’aborder dans la séance et tout ce qu’il conviendrait de faire dans l’année scolaire ou dans d’autres classes. S’il se hasarde à communiquer cette globalité dans laquelle il est le seul à évoluer mentalement, s’il réalise une synthèse devant ses élèves, ce n’est pas pour autant que ceux-ci l’auront intégrée : la synthèse, comme toute opération intellectuelle, ne se reçoit pas de quelqu’un, elle doit être agie mentalement, donc individuellement, par la mise en oeuvre de liens logiques spécifiques. L’enseignant ne peut donc que la solliciter et l’accompagner en éveillant ses élèves à l’observation de leur activité mentale. Il peut, pour ce faire, utiliser des supports didactiques tels que les « schémas centrés » (schémas heuristiques ou mandalas) pour amener une dimension spatiale à des pratiques inévitablement temporelles et sur lesquels il sera plus aisé pour chacun de mettre en relation les différents constituants d’un concept ou d’un sujet d’étude. Ces supports feront travailler les deux hémisphères cérébraux, en particulier l’hémisphère droit trop oublié dans nos pratiques scolaires. Ils illustreront au fil de leur construction l’itinéraire mental de rassemblement des éléments précédemment séparés dans la tête des élèves et seront l’occasion d’un « remue-méninges » intéressant pour l’accès à une mobilité de pensée.
Le schéma centré n’est pas un but en soi, il peut paraître brouillon, incomplet, insatisfaisant, ce qui importe c’est le travail mental qu’il suscite et qu’il accompagne : il faut le voir comme un moyen de l’activité cognitive d’analyse et de synthèse. C’est un « outil psychologique » (Vygotsky) d’aide au développement de la pensée synthétique et hollistique. Il nécessite une très grande mobilité de liens logiques (P 3) et permet à beaucoup d’élèves de se créer le cadre mental spatial dont ils ont tant besoin.
Protocole d’une activité de synthèse
Présentation des objectifs de la séance :
– Pour-quoi ? pour faire le point sur une notion.
– Pourquoi ? Faire travailler tout son cerveau : hémisphère gauche et hémisphère droit, acquérir une plus grande maîtrise donc de la sécurité et de l’assurance en situation de devoir ou de contrôle
– Comment on va procéder ? Chacun va essayer de retrouver ce qu’il sait, tout en observant comment cela se passe dans sa tête ( en images visuelles concrètes, abstraites, immobiles ou en mouvement, colorées ou non , en sons ou en mots, etc…) puis on procèdera à une mise en commun pour construire ensemble un schéma qui sera une trace du travail. Cette fiche de synthèse sera à apprendre pour compléter et organiser ce que chacun avait déjà acquis, elle sera une fiche de révision pour des contrôles à venir.
- 1. Temps d’évocation silencieuse sur le concept :
« Laissez revenir tout ce que vous savez sur… »,
ce temps de silence évocatif peut ne pas être très long, il est indispensable pour permettre à tous de faire un retour sur leurs acquis et éviter que ce soient toujours les mêmes élèves rapides qui prennent la parole. - 2. Dialogue pédagogique :
« Comment ça vous revient ? (images, sons, mots, schémas, ressentis, mouvements, etc …) »
L’observation renouvelée de la forme personnelle des évocations permet à chacun de découvrir ce qui est présent spontanément, mais aussi ce que d‘autres font peut donner des idées d’autres formes à expérimenter pour enrichir ainsi sa « palette évocative ». - 3. Dialogue sur le contenu :
Après avoir laissé chacun noter ce qu’il a retrouvé, il interroge la classe : « Qu’est-ce qui vous revient ?… » - 4. Début de schéma heuristique pour collecter les découvertes individuelles. ( Ce schéma peut être précédé d’une collecte « en vrac » ou d’une liste écrite sur un côté du tableau, à la suite de quoi l’enseignant peut questionner la classe sur des idées de regroupement pour amener la réorganisation spatiale.)
- 5. Expression du ressenti sur le schéma (dialogue). Ce dialogue est important pour que soient exprimées par certains élèves d’inévitables réticences face à une forme nouvelle. L’enseignant se doit d’insister sur son utilité en tant que moyen d’une activité mentale intense.
- 6. Les élèves recopient le schéma sur feuille blanche, en y adjoignant (immédiatement ou à la maison) des couleurs, des symboles et signes personnels, des petits dessins pour se faire plaisir et faire travailler leur hémisphère droit. L’enseignant peut parfois, sur des synthèses simples, prévoir un squelette de schéma qu’il distribue alors pour que chacun le complète à partir de celui du tableau.
- 7. Appropriation
Ce temps d’auto-évaluation est essentiel pour prendre conscience de l’écart individuel entre ce qui est à peu près acquis (je sais des choses !) et ce qu’il y a à compléter (je ne sais pas tout !) : Il met les élèves en projet d’aller plus loin et donne à l’activité la dimension de futur que certains d’entre eux ne se donnent pas spontanément, habitués qu’ils sont à rester mentalement dans le présent de la séance.
- 8. Mise en projet de mémorisation du schéma
Une telle activité réactive et approfondit la compréhension, mais si cette compréhension n’est pas mémorisée, projetée dans le futur, elle ne reste pas. Comprendre se situe « ici et maintenant », mémoriser : c’est se donner « un ailleurs et un plus tard » permettant la réutilisation de sa compréhension.
9. Il est tout à fait possible d’envisager une « évaluation de connaissances » sous la même forme en donnant le schéma à compléter, ou une « évaluation de compréhension » en demandant l’appropriation des notions sous forme d’exemples, de phrases, d’exercices simples en laissant dans le schéma des zones vides (bulles ou autres…). Ces documents supports d’interrogation doivent rester sobres pour que la correction en soit rapide.
PROLONGEMENT
Faire entrevoir d’autres utilisations possibles du schéma heuristique dans toutes les matières. Certains élèves ne voient pas l’utilité du schéma centré dans une matière soit parce qu’ils y sont déjà très efficaces ou au contraire installés dans un échec qu’ils pensent irréversible. On peut leur montrer que le schéma heuristique pourrait par exemple les aider à trouver des idées ou à les organiser pour une rédaction, une dissertation, un exposé, mais aussi à faire une fiche de lecture, une fiche de révision sur un long chapitre d’histoire ou d’économie…
L’aspect transversal de l’outil est à mettre en évidence pour que chacun puisse trouver un terrain personnel d’expérimentation.
Créer une émulation par l’échange des productions individuelles en créant par un « dossier-échange » dans la classe et en notant positivement toutes les initiatives qui seront prises dans ce sens.
Les élèves vivent leurs apprentissages scolaires comme autant d’épisodes bien séparés les uns des autres. Ils découvrent des notions dans la successivité des épisodes d’un cours, d’une année scolaire… Leur permettre, lors d’activités collectives ou individuelles, d’agir mentalement la mise en présence simultanée de tous ces éléments est essentiel. Ils expriment alors leur satisfaction comme Sophie en classe de 4ème : « Enfin, j’y comprends quelque chose ! ». Ils vivent ces synthèses dans des sentiments mélangés de cohérence, de maîtrise, et de puissance, autant d’impressions positives susceptibles de nourrir leur motivation.
Exemples de fiche de synthèse ainsi réalisée : voir livre d’Armelle Géninet (Les schémas centrés, des nouveaux outils pour mieux réfléchir, édition Chronique Sociale)